Si vous avez fait face à une fausse couche, vous n’êtes pas la seule. Lisez l’histoire de Marine qui a subi la fausse couche à 10 reprises et une grossesse extra-utérine, avant d’avoir une petite fille, âgée maintenant de 17 mois. Elle nous raconte ici son vrai vécu, pour donner de l’espoir à d’autres mamans.
J’ai 30 ans. Je vis à côté de Cheverny. Je travaille en tant que responsable d’équipe dans une usine agroalimentaire qui fabrique des madeleines, au service de l’emballage. Avec l’arrivée de ma fille, j’ai souhaité changer d’horizon et je suis en reconversion professionnelle pour devenir assistante maternelle.
Pour avoir ma fille, nous avons attendu six ans, dont quatre ans de PMA. En juin 2016, nous avons décidé avec mon conjoint d’arrêter la contraception. Je suis tombée enceinte en novembre, mais j’ai fait une fausse couche, dont je n’ai appris l’existence que plus tard. J’ai fait une grossesse extra-utérine en janvier 2017. J’ai été opérée et on m’a appris que la trompe droite était obstruée. J’ai à nouveau fait une fausse couche en juin 2017.
Y a-t-il une explication à ces fausses couches ?
Maintenant, on sait que j’ai une activité auto-immune. Mon corps fabrique des anticorps qui s’attaquent au fœtus pendant son implantation. Cela a été dépisté après des examens poussés, mais je ne connais pas le nom de la maladie. Le traitement est assez empirique. Actuellement, je prends du Plaquénil, un immunomodulateur, censé faire baisser mon seuil immunitaire. À cela, nous avons ajouté des corticoïdes. À ce jour, cela semble être la meilleure piste thérapeutique, mais sans véritable certitude.
Ces traitements entraînent une fragilité. Par exemple, je suis plus sensible à tous les petits virus. Par ailleurs, les corticoïdes me font gonfler et entraînent des réactions cutanées si je m’expose au soleil. Ils génèrent beaucoup de contraintes, que nous sommes néanmoins prêts à subir. Au départ, je ne prenais ces médicaments que sur des durées courtes. Mais à présent, je les prends en continu. J’ai appris à vivre avec et à gérer au quotidien.
Les traitements de PMA depuis 2017
En septembre 2017, nous avons commencé la PMA. Nous avons subi de premiers examens, avec un premier médecin, avec qui le relationnel n’était pas très bon, car c’était une porte de prison. Il ne voyait que le côté financé, mais pas l’humain. Elle a découvert que je souffrais également du syndrome des ovaires polykystiques. On a fait une première FIV, qui ne sait pas très bien passée, dans la mesure où je n’ai eu que trois ovocytes. Le premier transfert a fonctionné, mais s’est terminé en fausse couche. Le deuxième transfert d’embryon congelé s’est également terminé en fausse couche. Là, on a commencé à se dire que c’était difficile pour nous de gérer tout ça et qu’on aimerait avoir des réponses. La gynécologue nous a répondu que les examens coûteraient trop d’argent et qu’elle ne prescrirait rien avant une troisième FIV.
Nous avons alors décidé de changer de médecin, toujours dans le même centre de PMA. Le nouveau gynécologue a accepté de nous prescrire d’autres examens. J’ai vu des endocrinologues, des immunologues et des hématologues. Et là, on a compris qu’il y avait cette maladie dormante. Plusieurs approches thérapeutiques ont été essayées. Lors d’une autre ponction, nous avons eu 22 ovocytes. On était plutôt contents.
On a enchaîné les transferts, le temps de trouver le traitement thérapeutique qui permettrait une accroche. On a fait 10 transferts et encore neuf fausses couches. Je n’aurais pas pensé que c’était possible. Ma fille été transférée le 13 juin 2021. La première prise de sang affichait un taux de 12 à J12. On nous avait annoncé une grossesse biochimique et qu’il n’était pas possible qu’elle soit viable. Et finalement, après le week-end, la prise de sang du lundi matin, avec un taux à 99, nous a montré qu’elle s’était accrochée et qu’elle était là. Ensuite, nous avons fait des prises de sang tous les deux jours pendant trois semaines.
Maintenant, nous avons repris le parcours pour avoir un deuxième enfant. Je suis tombée enceinte naturellement en décembre 2022, mais j’ai fait une nouvelle fausse couche fin janvier 2023. On a refait un transfert avec le dernier embryon congelé qui reste, mais qui n’a rien donné. Actuellement, je suis à nouveau enceinte et je croise les doigts pour que ça continue.
Comment conciliez-vous tous ces traitements avec votre travail de chef d’équipe ?
J’ai la chance de travailler au sein d’une grande entreprise mais qui reste humaine. Quand j’ai annoncé à ma chef que j’étais en parcours de PMA, elle nous a suivis. Elle a tout fait pour m’arranger. Quand je dois m’absenter, elle me fait remplacer. Elle prend des nouvelles. Elle m’accompagne à sa manière. Elle a été vraiment chouette. Et la loi nous permet de nous absenter et de prendre des arrêts-maladie. Quand j’ai pu le faire, je l’ai fait. Comme je travaille en 3x8, parfois je conciliais les deux mais sinon, je me mets en arrêt maladie. Je dois quand même beaucoup à mon travail. Ils ont tout fait pour que je puisse m’absenter et être dans de bonnes conditions pour avoir ma fille.
Où trouvez-vous la ressource pour garder de l’énergie ?
Avant ma fille, je ne sais pas. Le désir d’avoir un enfant était si important pour moi que je ne pouvais pas concevoir ma vie autrement. Mon mari a suivi, car il voulait un enfant lui aussi. Je suis quelqu’un d’assez fort. J’ai de la ressource. On tombe, on se relève et on continue. Il faut y aller. On savait que ce serait un parcours du combattant et que ce ne serait pas facile. Mais ce n’est pas pour autant que c’était impossible. Un échec est un échec. Ça fait mal. On repart et on sait qu’on va y arriver. Depuis que ma fille est là, c’est tellement de bonheur d’avoir un enfant que l’envie d’une famille nombreuse s’est révélée. Moi qui avais toujours dit que je ne voulais pas avoir deux enfants et devenir mère au foyer, je souhaite avoir une grande fratrie et rester à la maison avec eux. Je suis prête à repasser par les mêmes étapes.
Combien d’enfants voulez-vous ?
J’aimerais en avoir quatre ou cinq. Si la nature voulait me donner plusieurs enfants, on les accueillerait à bras ouverts.
Comment s’est passé l’accouchement pour votre fille ?
J’ai été déclenchée à 37 semaines, car je fais de l’hypertension artérielle. L’accouchement a duré quatre jours et s’est fini en césarienne. Mais pour moi au final, l’accouchement s’est bien passé. Ma fille et moi allions bien donc c’était très bien.
Avez-vous essayé la sophrologie pour gérer votre stress ?
Oui. Je suis quelqu’un qui ne lâche pas prise. Et j’ai fait de la sophrologie à la deuxième ponction. Ça m’a permis de lâcher un peu prise et de me rendre compte que je ne contrôlais pas ce qui allait arriver. Je n’étais pas maître du destin. À part savoir que le réveil sonne à 18 heures pour faire une injection, je ne pouvais rien gérer d’autre. Ça m’a permis de voir les choses différemment et d’être un peu plus légère. Ça m’a fait du bien et ça m’a suivi pendant toute ma grossesse pour essayer de me détendre, car je me sentais très anxieuse. C’est la seule chose qui m’a permis de lâcher prise et ça m’a vraiment fait du bien. Je continue à pratiquer la sophrologie mais seule à la maison, vu que j’ai déjà pratiqué pendant près de deux ans avec une sophrologue et avec une sage-femme spécialisée en sophrologie. Quand le besoin s’en fera sentir, je recontacterai la sophrologue.
Ça fait plaisir de voir une personne qui pratique la sophrologie chez elle de manière autonome.
J’avais essayé la méditation et ça ne me convenait pas du tout. Je n’arrivais pas à rentrer dedans. J’ai fait trois séances et j’avais l’impression de ne pas être concernée. Je pratique aussi la marche et la natation à la piscine.
Quelles sont les émotions que vous avez vécues pendant votre parcours ?
Je pense qu’on vit tous les mêmes émotions. On arrive tous en se disant que ça va marcher du premier coup et que tout va bien. On est plein d’espoir et presque content de se dire qu’on doit passer par là, mais que ça va bien se passer. Et puis, au premier échec, on est déçu. Et puis on repart en se disant qu’il y a eu une erreur, mais que la deuxième fois sera la bonne. À la deuxième fois, on est encore déçu et puis il y a de la colère. On se dit qu’en tant que femme, la chose que l’on devrait pouvoir faire comme tout le monde, ce serait d’avoir un enfant.
J’ai aussi beaucoup culpabilisé. Je me disais que c’était ma faute et que je ne faisais pas tout ce qu’il fallait. On a beau faire tout ce qu’il faut, on ne peut pas faire plus. Mais on ne peut pas s’empêcher de penser qu’il a quelque chose qu’on a mal fait. J’ai éprouvé de la culpabilité envers mon conjoint, mais aussi envers tout le cercle familial, car je voulais pouvoir donner une descendance aux grands-parents. Plus le temps passait, plus le sentiment de culpabilité s’étendait.
Et puis au bout d’un moment, on finit par devenir résilient. Mais ce sont des montagnes russes. On recommence à chaque fois pleins d’espoir, en se disant que ça va marcher, on a le courage et la force. Et puis, on retombe à nouveau dans la colère et dans la culpabilité.
Et puis, forcément, la tristesse. Il y a tout ce que l’on imagine que l’on n’aura peut-être pas.
Racontez-nous le vrai vécu d’une femme qui a subi sur la fausse couche
Ces fausses couches ont eu lieu au plus tard à 2 mois ½ de grossesse. On ne peut pas profiter pleinement de la grossesse. À la première prise de sang, on sait que cela peut se casser la figure. À la deuxième pareil, à la troisième pareil. Même après les échographies, nous n’étions pas rassurés. Nous avions même peur de l’annoncer à notre entourage au bout des trois mois, car nous avions peur que le karma nous punisse. Nous nous sommes réjouis uniquement au moment de la naissance de ma fille. Nous avions l’impression d’avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Arrivés à 7 mois, nous avons quand même soufflé, car nous savions qu’elle serait viable. Nous avons préparé la chambre et choisi le prénom rapidement à la fin. Nous n’avons pas vécu tout cela avec l’innocence de celui qui n’a jamais rien vécu et qui se dit « rendez-vous dans neuf mois ».
Échangez-vous avec votre famille au sujet de votre PMA ?
Oui, avec ma mère. Elle était au courant de tout à chaque fois. Mon père n’a pas été beaucoup informé, car ç’aurait été trop difficile pour lui. Ce n’est pas quelqu’un qui parle trop de ses émotions. Ça le touchait trop, il avait du mal à prendre du recul. Nous avons donc décidé d’arrêter de lui en parler.
Quand ils ont beaucoup de mal à avoir un enfant, certains parents peuvent ensuite se montrer un peu trop protecteurs.
Oui, il m’a fallu plusieurs mois avant d’accepter de laisser ma fille chez sa nounou ou ses grands-parents. J’ai besoin d’être sous le même toit qu’elle. Je n’ai pas de souci par rapport au fait qu’elle reste avec son papa, mais elle ne peut pas être ailleurs que dans la même maison que moi. Disons que le lien est différent.
Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui vous liront ?
Il ne faut jamais lâcher. On m’avait annoncé que je n’aurais certainement jamais d’enfant, car c’était trop compliqué. Malgré qu’on m’ait annoncé que ma fille ne serait pas viable parce que les taux étaient trop bas, finalement elle est là. On s’est battu pendant six ans. On en a bavé. On a pleuré. On a essayé d’imaginer notre vie sans enfant, mais ce n’était pas possible. On s’est battu jusqu’au bout et elle est là.
Merci Violaine pour cette retranscription au plus proche du réel en espérant que ce texte puisse soulager et accompagner d'autre couple dans leur combat ☺️